Soupçons de trafic d’enfants vers l’Arabie saoudite

Le lamidat de Rey-Bouba, connu pour sa répugnance aux droits de l’homme, est de nouveau plongé au cœur d’un scandale. Celui-ci porte sur la disparation de trois enfants de la localité de Rey, dans le département du Mayo Rey. Ces enfants ont été conduits en Arabie saoudite en mars 2015, et à ce jour, les parents sont sans nouvelles d’eux. C’est au mois de février 2015 que les nommés Raihana Bakoura (18 ans), Roukaya Hatimi Liman (17 ans), Sissaga Hatimi Liman (16 ans) et Adamou Bérédjo (19 ans) arrivent à Yaoundé en provenance de Rey. Leurs «encadreurs», proches de la cour du lamidat de Rey-Bouba, parviennent, avec une rapidité étonnante, à leur établir des titres de voyages. En mars, ils s’envolent pour l’Arabie saoudite. Toutefois, avant le voyage, Adamou Bérédjo parvient à semer ses «tuteurs» et à regagner Rey. «Je n’ai personnellement pas parlé avec lui, mais il aurait laissé entendre qu’ils avaient été contraints de faire le voyage pour l’Arabie saoudite. C’est à partir de là que sont nés les soupçons. Pourquoi contraindre les gens à voyager ? Dans quel intérêt ?», s’interroge Moussa, un habitant de Rey. Les parents des trois enfants partis pour l’Arabie saoudite ignoraient eux-mêmes la destination finale de leurs progénitures quand ceux-ci quittaient Rey. Ce qui en rajoute aux inquiétudes. Un ami de la mère de Raihana Bakoura raconte: «Elle a dit que sa fille l’avait appelé pour lui dire qu’elle se trouvait en Arabie Saoudite et que son passeport lui avait été retiré. Et donc qu’elle ne pouvait savoir quand elle retournerait au village». Autrement dit, qu’elle est sous la totale autorité de ses nouveaux maîtres et n’est pas libre de ses mouvements. Bien qu’inquiètes, les familles des «disparus» se sont curieusement murées dans un étonnant silence qui cadre bien avec les méthodes en vigueur dans le lamidat de Rey-Bouba. Quand un
membre consent à le briser, c’est uniquement pour menacer la presse. «Je suis l’oncle de Raihana que vous cherchez à joindre au téléphone depuis quelques jours. Nos enfants ne sont pas perdus. Nous les avons envoyés en formation islamique en Arabie Saoudite et rien de plus. Ne cherchez pas à ternirl’image de qui que ce soit. Et je vous promets des ennuis au cas où vous écrivez des faussetés», menace Badjoda Serya, oncle de Raihana Bakoura et président de la sous- section Ojrdpc de Rey. Dans quelle ville se trouvent les enfants et pour combien de temps ? Peuton avoir les références de cette école de formation? A ces questions, le militant du Rdpc reste muet comme une carpe. Pis, les déclarations de Badjoda Serya contredisent celle de la mère de Raihana, jointe au téléphone quelques jours plus tôt. Mme Habsatou avait affirmé que sa fille lui avait été prise sans son consentement, sans toutefois affirmer si celle-ci avait été déportée ou vendue. Malgré nos multiples relances, elle n’a pas voulu en dire plus. Manifestement, instruction a été donnée aux parents de ne plus parler à la presse. Certains y voient derrière cette démarche, des puissantes mains de la chefferie de Rey-Bouba. «Cette affaire peut être le déclencheur d’une grande enquête sur le sort des enfants camerounais envoyés en Arabie saoudite. Des gens disent qu’ils fréquentent des écoles islamiques en Arabie saoudite. Comment est-ce possible alors même qu’ici, ces enfants ne fréquentaient aucune école coranique ? D’habitude, l’on voyage pour poursuivre des études, et non pour les commencer, surtout pour des personnes aussi âgées que les trois dont nous sommes sans nouvelles. S’il y a une véritable enquête, je suis prêt à miser qu’il y aura de grosses surprises, de très grosses surprises. Ils travaillent là-bas comme des esclaves domestiques, soit vingt heures par jour. Il reste juste à savoir pour le compte de qui, c’est-à-dire qui touche ici localement la cagnotte ?» explique Alhadji qui a passé de nombreuses années dans le royaume wahhabite.




