
Si le phénomène des prises d’otages avec demande de fortes rançons a considérablement pris du recul depuis fin 2019 dans la région de l’Adamaoua, le vol de bétail semble avoir pris le relais. Ainsi, dans son rapport du premier semestre 2020, l’Association pour le développement socioculturel des Mbororos du Cameroun (Mboscuda) antenne de l’Adamaoua, a dressé un bilan sur le nombre de bétails perdus jusqu’ici. Ce tableau sombre fait état de 1060 bœufs volés dans leur seule communauté pour une perte évaluée à un peu plus de 265 millions de nos francs. Parmi ceux qui ont perdu le plus grand nombre de bétail, on peut citer entre autres, Alim Oumarou Yéro de Bawréjam non loin de l’arrondissement de Ngan-Ha qui a perdu 180 têtes, Mohamadou Guidado qui a perdu 134 têtes à Beka dans l’arrondissement de Ngaoundéré 3e et à Lassaré dans l’arrondissement de Mbé. El Hadj Harouna lui, a perdu ses 77 bœufs à Almé dans l’arrondissement de Mayo Baléo, El Hadj Abdoulaye Djohon a été délesté de ses 62 bœufs à Lassaré dans l’arrondissement de Mbé. C’est toujours à Mbé que El Hadj Gambo a perdu ses 58 bœufs. Dans ce même registre de perte de bétails, il y en a qui ont complètement perdu à l’instar de El Hadj Bassi de Mbé qui a perdu tout son troupeau de 43 têtes. Kari Panso qui a également perdu son troupeau de 40 têtes à Mbé n’a pas supporté le choc et est mort quelques jours après.
Le premier constat est que, dans les cinq départements que compte la région de l’Adamaoua, le peloton de tête en termes de vol de bétail est conduit par les départements de la Vina, et du Faro et Déo. «Il faut dire ici que, les 1060 têtes qui figurent dans notre rapport sont les cas qui ont été déclarés dans nos bureaux par les propriétaires, les victimes. La vérité aussi c’est que, tous les cas de vol de bétails n’ont pas été déclarés», fait savoir Ahmadou Roufaye, secrétaire général du bureau régional Adamaoua de Mboscuda. Le second constat qui est fait est celui de l’identité des voleurs. Il s’agit de nationaux et des étrangers. «Le voleur résident utilise le mode pacifique qui consiste à cibler les bergeries puis effectuer leur forfaiture au coucher du soleil. Il le fait aussi avec complicité des bergers, des membres de la famille, des amis très proches voire même de connivence avec les bouchers. Tandis que le voleur étranger utilise très souvent à la fois le mode pacifique (opération nocturne avec ou sans complicité du berger), le belliqueux qui consiste à commettre la forfaiture à main armée (gourdins, lances, les flèches, machettes, arme à feu, etc.), très souvent sous un regard impuissant du berger et en plein jour. Nous en voulons pour preuve le cas d’El Hadj Harouna dans le département du Faro et déo arrondissement de Mayo Baléo village d’Almé», décrit Ahmadou Roufaye.
Difficultés et solutions
Aussi, la communauté Mbororo veut apporter sa contribution dans la lutte contre le vol de bétail, mais elle rencontre un certain nombre de difficultés. Il s’agit entre autres, de l’élevage pratiqué dans la région par la communauté Mbororo qui reste toujours traditionnelle ; de l’enclavement et de la rareté d’espace de pâturage ; de l’Insécurité dans l’espace de pâturage à cause de l’enclavement. La non règlementation de la transhumance transnationale ainsi que les conflits agro-pastoraux, constituent également des obstacles dans la résolution de ce problème.
Il est donc temps de procéder à une sensibilisation des éleveurs sur la pratique de l’élevage moderne, et, délimiter et sécuriser les espaces de pâturage. Pour remédier à cette situation, le secrétaire général de l’antenne Mboscuda de l’Adamaoua a une idée. «Il faut déployer les détachements militaires dans certaines zones afin de barricader les pistes d’évacuation et les cachettes de ces criminels (zone Kontcha, Almé, Voko, Samba, Beka, réserve du Faro, Mbé et Touboro), zones à surveiller de près car c’est une piste où se cache ces bandits de grand chemin et cette zone est facilement joignable au Nigeria voisin à travers une réserve nigériane à la traversé du Déo. Il faut également réglementer la transhumance transnationale (Cameroun-Nigeria et la RCA). L’on doit contrôler systématiquement les éleveurs étrangers (en provenance du Nigeria et RCA) en saison sèche. Il faut également travailler en parfaite synergie avec les techniciens d’élevage, organisation d’encadrement des éleveurs et les éleveurs eux-mêmes», propose Ahmadou Roufaye.
Par Francis Eboa