Inondations dans l’Extrême-Nord : Le Logone-et-Chari dans l’attente des secours
Ce département se retrouve avec 27.628 hectares de cultures inondés, 4897 habitants affectés, 72 écoles primaires sous les eaux.

Les inondations qui ont frappé la région de l’Extrême-Nord et en particulier le département du Logone-et-Chari, depuis le 12 août 2024, ont plongé les populations dans une crise humanitaire sans précédent. Le 16 août 2024, dans une interview accordée à votre journal, le sous-préfet de Blangoua, Éloi Dandi Gandaf, avait déjà tiré la sonnette d’alarme : « le pire reste à venir si rien n’est fait ». Un mois plus tard, cette mise en garde est devenue une réalité encore plus préoccupante. Les pluies incessantes ont causé des ravages supplémentaires, et des arrondissements jusque-là épargnés ont rejoint la liste des sinistrés. Désormais, c’est tout le département du Logone-et-Chari qui se retrouve sous les eaux, avec 27.628 hectares de cultures inondés, 4897 habitats affectés, 72 écoles primaires ont les pieds dans l’eau à la date du 16 septembre 2024. Kousseri, chef-lieu du département, est coupé des neuf autres arrondissements, rendant les déplacements et les secours encore plus difficiles.
Face à la montée des eaux, le préfet du Logone-et-Chari, Mathias Fombele Tayem, avait tenté une initiative préventive le 19 août en distribuant 30 000 sacs vides aux populations pour protéger leurs biens. Mais ces efforts, bien que louables, se sont avérés insuffisants face à l’ampleur de la catastrophe. La furie des eaux a balayé les faibles mesures de protection, laissant des dizaines de villages submergés. Dans une nouvelle tentative de sauvetage, l’autorité administrative qui a réuni les responsables de différents arrondissements a prescrit la mise sur pied des comités d’arrondissement de gestion des crises. Ahmed Khaled, délégué départemental de l’Education de base du Logone-et-Chari, a indiqué que malgré l’invasion des eaux, aucune école primaire dont les différents bâtiments ont les pieds dans l’eau, n’a été délocalisée. La déscolarisation massive qui en découle pourrait avoir des répercussions dramatiques à long terme sur l’avenir des enfants de cette région.
Alors que les inondations continuent de faire des ravages, les populations du Logone-et-Chari se sentent abandonnées. Lors d’une conférence de presse organisée le 13 septembre dernier à Yaoundé, le ministre de l’Administration territorial (Minat), Paul Atanga Nji, a annoncé des mesures d’urgence, dont un financement de 350 millions de Fcfa débloqué par le président de la République. Mais ces fonds sont uniquement destinés aux victimes des inondations dans le département voisin du Mayo-Danay, qui a enregistré 11 décès.
Le département du Logone-et-Chari, quant à lui, ne figure sur aucune liste d’aide prioritaire. Aucun plan d’action ni soutien spécifique n’a été annoncé pour cette zone gravement touchée. Les élites locales, y compris Alamine Ousmane Mey, ministre de l’Économie de la planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat) et originaire du département, n’ont pas évoqué la catastrophe en cours. En revanche, certains membres du gouvernement, tels que la ministre en charge de l’habitat Célestine Ketcha Courtes, le ministre de la Santé publique Manaouda Malachie, et Mounouna Foutsou, minister en charge de la Jeunesse et élite du Mayo-Danay, ont effectué quelques dons aux sinistrés de Mayo-Danay.
Ce silence inquiétant laisse les populations du Logone-et-Chari livrées à elles-mêmes, dépendant presque exclusivement des organisations non gouvernementales qui tentent, tant bien que mal, d’apporter un soutien d’urgence. Mais ces efforts ne suffisent pas à répondre à l’ampleur des besoins sur le terrain. La situation dans le Logone-et-Chari continue de se détériorer, et avec l’absence de réponses concrètes du gouvernement, beaucoup craignent que le département soit purement et simplement oublié, effacé de la carte. Pourtant, cette région est un bastion du Rdpc, parti au pouvoir, qui semble aujourd’hui tourner le dos à l’un de ses fiefs.
Par Abdoullkarim Hamadou