Kolofata reprend progressivement vie

Victimes à maintes reprises des attaques de Boko Haram, les populations de retour dans cette ville du Mayo-Sava, reprennent peu à peu goût à la vie. Sous le regard bienveillant de l’armée qui veille au grain.
Lentement, mais sûrement, la vie reprend son cours à Kolofata. Depuis quelques semaines, en effet, ce département du Mayo-Sava, région de l’Extrême-Nord au Cameroun, renoue avec ses vieilles habitudes. On se souvient pourtant que cette ville frontalière avec le Nigeria voisin, avait régulièrement fait les frais des incursions continues des assaillants de Boko Haram. Ces derniers ont semé la terreur et la désolation dans la localité. Les islamistes terrorisaient alors les populations qui avaient été obligées de décamper. Aujourd’hui, tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Loin des attaques quasi régulières de Boko Haram, Kolofata est aujourd’hui en train de renaître peu à peu de ses cendres. Une accalmie qu’elle doit non seulement à l’affinement des stratégies de l’armée camerounaise, son déploiement tous azimuts, mais aussi et surtout à la présence de l’armée tchadienne. Aujourd’hui, le département du Mayo-Sava dans son ensemble, et la ville de Kolofata particulièrement, sont fortement militarisés. Un déploiement des troupes qui a permis de ramener la sérénité au sein des populations. Résultat : dans les artères de la ville, les va-etvient sont incessants. En petit groupes ou individuellement, les riverains vaquent à leurs occupations. Sous un soleil de plomb, d’aucuns s’abritent sous des arbres,
où commentaires et autres intrigues animent la galerie. Les jeux de carte font aussi partie du décor. Les plus nantis eux, vont au « Djaoulerrou » -un vestibule- où l’on mange en famille ou entre amis. Pendant ce temps, les enfants fredonnent naïvement des chansons à la gloire de la patrie et saluent de la main le passage des véhicules. Des attitudes qui, bien que banales, ne faisaient plus partie du quotidien. Les populations étaient terrées dans leurs maisons, par peur des raids des éléments de la secte Boko Haram. «Aujourd’hui, on rend grâce à Dieu, la paix revient dans notre ville. On entend de moins en moins parler de Boko Haram même dans les conversations», rassure Madi Abaïcho, la soixantaine sonnée. Le sexagénaire a d’ailleurs rejoint sa maison. ENLÈVEMENTS Au lendemain de l’attaque de la base militaire camerounaise de Kolofata, le 12 janvier 2015, Madi Abaïcho avait alors déguerpi avec 17 membres de sa famille, dont ses trois femmes, 8 enfants, 4 cousins et les 2 sœurs de ses femmes, pour aller s’installer à Mora auprès de son cousin, Laraba Liman. «On m’a dit que le Boko Haram va finir avec le nouveau président du Nigeria et notre sécurité sera assurée par l’armée du Cameroun et du Tchad. C’est pourquoi je suis rentré chez moi, ici à Kolofata», explique-t-il à son retour à Kolofota, non sans dire que c’est la psychose qui s’est installée au sein de la population, qui a vidé la ville. En rappel, l’attaque du camp militaire le 12 janvier 2015, où se trouvaient des éléments du Bir, des militaires et des gendarmes, avait été sanglante. Ce jour-là, les terroristes de Boko Haram avaient perdu 143 des leurs. Un assaut qui complétait une longue liste des exactions de la secte islamiste Boko Haram dans la ville de Kolofata dont le plus spectaculaire avait eu lieu le 27 juillet 2014. Cette attaque s’était soldée par l’enlèvement d’Agnès Françoise Ali, l’épouse du vice-premier ministre Amadou Ali; du maire de Kolofata, par ailleurs lamido de la même ville, et des membres des deux familles. Un mois plus tard, c’est la localité de Kerawa qui fait l’objet d’une autre attaque des assaillants.


Selon des estimations, près de 8000 individus à travers le département ont cédé à la panique, allant s’installer dans des zones plus calmes. Selon diverses sources, les assauts de Boko Haram ont fait plus de 2000 déplacés dans l’arrondissement de Kolofata. Dans ce vaste mouvement de panique, les villages Wawuli, Greya, Bame, Bourgafré se sont vidés de l’essentiel de leurs habitants. De l’avis des riverains, Bourgafré par exemple, est un village totalement abandonné jusqu’à ce jour. Si le calme et la sérénité sont de retour, dans les autres villages, la prudence reste de mise. Car, si en journée les populations s’occupent à diverses tâches quotidiennes, une fois la nuit tombée, la plupart est obligée d’aller la passer à Kolofata. « Rien ne sera plus comme avant. Et tant que vous vivez avec des hommes en tenue à vos côtés pour assurer votre protection, il y aura toujours des difficultés. Mais comme vous pouvez le constater, nous sommes en train de reprendre progressivement goût à la vie. Ça prendra évidemment du temps, mais l’essentiel est déjà là. On peut marcher comme on veut à certains endroits. Mais certains riverains préfèrent même venir passer la nuit ici », a indiqué Pakabas, un habitant de Bamé.
ARMÉE TCHADIENNE
C’est qu’à Kolofata, la présence des armées tchadienne et camerounaise a fini par réconcilier les populations avec leur ville. La forte militarisation de la ville devenue pour la circonstance un véritable sanctuaire, a fini par dissiper les inquiétudes et confondre les sceptiques. Contre toute attente, un marché à bétail inexistant par le passé, a vu le jour depuis quelques temps. Les jours du marché, le vendredi et dimanche, l’ambiance bat son plein dans la ville. Côté éducation, les élèves des établissements de la ville de Kolofata ont été redéployés dans des établissements plus sereins. Un retour à la vie normale qui n’est pas sans conséquence pour les populations. Celles-ci sont appelées à affronter dans les prochains mois, la cherté de la vie et la précarité ambiante et perceptible dans la ville. A voir la mobilisation qu’aura drainé la campagne gratuite de santé en faveur des populations, on peut conclure que les besoins sont énormes et la menace de la faim plane déjà. « C’est vrai que le calme est en train de revenir. Mais le véritable problème aujourd’hui, reste les besoins de nos populations qui sont énormes. On n’a pas pu cultiver les champs en raison de la situation d’insécurité. L’agriculture, la principale activité économique et première source de revenu des populations, est aujourd’hui dans une zone rouge. Nos échanges avec le Nigeria sont quasi inexistants. Toutes les activités sont au poids mort pour le moments», raconte pour sa part, Timothée Djaryang, agent en service à l’hôpital de district de Tokombéré.
Le préfet du Mayo-Sava, Babila Akaou, invite d’ailleurs les habitants de son département en général et ceux de Kolofata en particulier, ayant abandonné leurs maisons à être courageux. « Le département vit, malgré le climat d’insécurité qui prévaut. Le message que l’on peut adresser aux populations, est d’avoir le courage de retourner au bercail pour reprendre les activités quotidiennes. Nous avons des forces de défense qui sont partout dans le département, ce qui nous rassure déjà. Et nous invitons les populations à rentrer dans leurs villages pour reprendre leurs activités quotidiennes, normales, à savoir l’agriculture, l’élevage, la pêche et le petit commerce. C’est un message de réconfort et d’interpellation des uns et des autres à la reprise effective de leurs activités économiques», a suggéré l’autorité administrative, ce 1er mai 2015, à l’issue de la 129e fête internationale du travail.