
Il est 18h15 ce 8 août 2024. L’appel à la prière déchire le voile du silence en plein cœur du quartier Foulbéré à Garoua. Le muézin de la mosquée du lamidat de Garoua, d’une voix suave mais puissante, invite les mahométans à la prière du Maghrib. À quelques pas de ladite mosquée, un groupe de personnes discute autour d’une nouvelle qui vient de tomber : Issa Hayatou n’est plus ! «Boris Bertholt a annoncé sur sa page et Guibaï Gatama a confirmé la nouvelle sur sa page. Issa Hayatou a bel et bien été rappelé auprès du bon Dieu ce jeudi», déclare tout triste Moussa Djibrilla, habitant du quartier Foulbéré. «Qu’Allah lui fasse miséricorde et lui accorde le paradis. Nous le mettrons dans nos prières tout à l’heure», ajoute pour sa part Amadou Bappa, lui aussi habitant de Foulbéré. Juste en face, au lamidat de Garoua, l’ambiance est plutôt calme en ce début de soirée. Les portes du vestibule sont encore ouvertes et le secrétaire général du lamidat, Idrissou, est encore à son bureau. Joint peu avant par le reporter, l’homme s’est dans un premier temps voulu prudent : «Nous avons appris comme tout le monde la nouvelle via le lanceur d’alerte Boris Bertholt. Nous ne pouvons pas annoncer son décès tant que nous n’avons pas la confirmation de la famille», s’est-il montré prudent. Pour confirmer quelques minutes après. Selon ses proches, «Issa Hayatou est décédé ce jeudi 08 août à Paris où il suivait des soins. Ses derniers jours, il a été victime de plusieurs malaises, mais à chaque fois, II s’en remettait».
Au domicile du défunt à Marouaré, l’un des quartiers chics de Garoua, tout semble plutôt calme. Par contre à Yaoundé où était installé Issa Hayatou, la résidence sise au quartier Dragage, est envahie. Amis et membres de la famille convergent. Ici, pleurs et cris de tristesse accompagnent les condoléances. «Un baobab est tombé. Issa Hayatou s’en va et laisse dans une douleur incommensurable. Tout ce que je peux retenir de ce monsieur c’est son sens de responsabilité, la sobriété l’humilité. Il était un modèle pour nous», regrette Abdoul Kassimi, membre de la famille.
L’Ayatollah du football africain
Né le 9 août 1946 à Garoua, ce prince de la très puissante famille Hayatou, a voué une grande partie de sa vie au football africain. Président de la Confédération africaine de football de 1988 à mars 2017, le prince de Garoua a participé grandement à l’évolution du football africain. Avec comme traces remarquables, l’organisation de la première Coupe du monde en Afrique, en 2010 en Afrique du Sud, tout comme les cinq places africaines en phase finale du même tournoi. La création de la Ligue des champions en 1997, les titres de champion olympique, en 1996, avec le Nigeria, puis en 2000 avec le Cameroun, marqueront à jamais sa présidence. Issa Hayatou a également occupé la présidence de la Fifa durant quelques mois, entre 2015 et 2016, après la suspension de Sepp Blatter, soupçonné de corruption, par la justice suisse.
Le 15 janvier 2021, l’homme est honoré par la CAF, qui lui a accordé le statut de président d’honneur. Une reconnaissance pour celui qui était qualifié de «l’Ayatollah» du football africain. Issa Hayatou décède la veille de ses 78 ans.
Par Ebah Essongue Shabba